Le quotidien béninois Matin Libre, dans sa parution du Jeudi 25 juin 2015 (Page 7), a posé deux questions à votre serviteur concernant l’événement béninois du 18 juin 2015, c'est à dire la formation du gouvernement, et notamment l'entrée remarquée de Mr Lionel Zinsou au poste de "Premier Ministre".
A cet effet, avant d'aborder les questions j'ai jugé utile de clarifier la situation juridique de l'intéressé.
Au regard de la Constitution en vigueur au Bénin, le poste (plutôt honorifique) de "Premier Ministre" ne doit pas être confondu avec celui du système politique français ou d'autres démocraties parlementaires ou semi-parlementaires.
Au regard de la Constitution en vigueur au Bénin, le poste (plutôt honorifique) de "Premier Ministre" ne doit pas être confondu avec celui du système politique français ou d'autres démocraties parlementaires ou semi-parlementaires.
Le "Premier Ministre" béninois en l'espèce
- n'est pas chef du gouvernement (prérogative
exclusive du Président de la République), (dommage)
- n'a pas le pouvoir constitutionnel de proposer pour
nomination les membres du gouvernement, (dommage encore)
- ne dispose pas du pouvoir réglementaire propre ou en
concurrence avec le Président de la République, (et encore dommage)
Il n'est de facto que "premier" dans l'ordre
protocolaire du gouvernement, et dispose au mieux d'un droit moral de préséance
sur ses autres collègues du gouvernement.
La portée de son titre est beaucoup plus
socio-psychologique, parce qu'il peut être démis de ses fonctions sans impact
sur le reste du gouvernement.
Il s'agit donc d'une "appellation psycho-honorifique" qui ne figure nulle part dans l'arsenal institutionnel et
constitutionnel béninois.
Question 1- M. SAKA
SALEY, le Chef de l'Etat vient de nommer le banquier d'affaires comme Premier
ministre du Bénin. Il a pour mission, entre autres, d'aider le Bénin à
concrétiser les objectifs de la table ronde de Paris, notamment amener les
investisseurs ayant pris des engagements à faire du concret. Pensez-vous qu'il
réussira cette mission ?
La question est un peu
vicieuse parce qu’elle laisserait entendre d’entrée, qu’une année après la dite
Table ronde de Paris, dont l’actuel « Premier ministre » a été un
acteur de premier plan, le gouvernement de notre pays a peiné à obtenir des
résultats concrets à ce propos.
Je fais cependant comme vous le constat que les
promesses sont restées à l’état de promesses, malgré un gouvernement remanié
depuis lors et ayant connu la promotion en Août 2014 du ministre Koutché
remarqué pour ses sorties relatives à ladite rencontre, du ministère de la
Communication à celui de l’Economie et
des Finances. Tout le Bénin a légitimement cru en un besoin de souffle nouveau
et dynamique pour la gestion des retombées des assises parisiennes.
La question laisse aussi sous entendre que la caution
morale de Mr Zinsou manquait à notre pays via son gouvernement, pour le respect
des promesses faites par les investisseurs, ce qui serait dans l’hypothèse, peu
flatteur pour notre gouvernement dans sa structure jusque là connue.
Pour ma part, et nos compatriotes ne m’en garderont
pas rigueur, j’espère que le cahier de
charges de Mr Zinsou, mais aussi de ses collègues du gouvernement, ne se limite
pas exclusivement aux objectifs de la Table ronde de Paris, parce que les
problèmes socio économiques, et même institutionnels de notre pays ne peuvent
être réglés par ces seuls instruments. Les facteurs institutionnels,
électoraux, conditionnent grandement la viabilité économique de notre nation et
donc la bonne réussite de la mission de développement économique à lui confiée.
Mr Lionel Zinsou a surement connu des échecs dans sa
vie professionnelle antérieure, mais ses prouesses beaucoup plus grandes sont
certainement à la base de cette renommée mondiale que nous lui connaissons et
revendiquons avec fierté humaine et nationale de compatriote. Toute la nation a
donc plutôt intérêt à ce que Mr Zinsou réussisse ladite mission, et également à
l’y aider et l’encourager, parce que les dividendes ne lui seront pas exclusifs,
mais un bien et un patrimoine collectif.
Son métier consistant en tout ce dont notre économie a
besoin, c’est-à-dire créer les conditions d’existence, de sécurisation et de
rentabilisation des investissements, il n’y a pas de raison de douter qu’il
puisse appliquer à un Etat, ce qui fut le cas pour les entreprises, à
puissances financières d’Etats, qu’il a accompagnées avec des succès patents
pendant des décennies.
La seule différence étant dans notre cas que les
synergies d’avec les autres acteurs du gouvernement sont nécessaires.
Il ne faut naïvement pas attendre en 8 mois des
miracles, surtout pas d’un seul homme aussi volontaire et engagé soit-il, mais tout
au moins les fondations d’une confiance de nos partenaires et d’un renouveau
économique qui peuvent valablement être lancées, quitte à compter sur la
continuité de l’Etat pour en assurer la pérennité.
Question 2 - Lionel Zinsou peut-il être le dauphin politique du Chef
de l'Etat ?
Nous allons finir par le
faire fuir à force de penser et de décider à sa place, avant même qu’il n’ait
endossé le boubou de son cahier de charges national.
Je suppose que la question suscite déception (dans le
rang des aspirants au-dit "dauphinat" ou ceux certains d’être choisis) ou sueurs froides
(dans le rang des challengers potentiels).
Mais à mon humble avis, je considèrerais une telle
hypothèse comme une aubaine pour le pays, dans le sens où cela aurait le mérite
de relever le niveau de la compétition, en induisant un écrémage dans la liste
des aspirants potentiels à la direction de notre pays.
Un tel profil soumis, à coté des autres de qualité
également, à notre choix aurait le mérite moral de faire espérer une
revalorisation des valeurs travail et réussite dans nos habitudes publiques.
Deux préalables à cette hypothèse non encore acquise
ni dans sa naissance, ni dans sa finalité doivent cependant être
clarifiés :
-
la volonté et l’acceptation de l’intéressé de s’inscrire dans
cette dynamique
-
la volonté des électeurs de le voir dans la finalité de
succession du Président en place.
Etant membre de premier plan de l’équipe qui aura la
lourde tache d’organiser les élections destinées à justement pourvoir à la
succession du pouvoir en place, il se trouvera dans le conflit d’intérêt d’assurer
une crédibilité de ladite consultation électorale (facteur institutionnel sus
énoncé) surtout s’il se porte candidat à cette dernière.
C’est donc vous dire combien
délicate est sa position entre les attentes socio-économiques reposant sur lui
et le suspense dans lequel sera le peuple au regard de ses réalisations,
position pour laquelle je ne souhaiterais personnellement pas être dans son
costume, mais seulement dans celui de toute personne lui souhaitant de réussir
sa mission. La suite dépendra principalement de ce préalable.
Nourou-Dine SAKA SALEY
Consultant juridique et financier
1 commentaire:
Merci Maître Dine pour vos apports à la construction nationale. J'ai publié un article ce matin sur Facebook qui corrobore votre analyse. Cependant je puis vous affirmer que selon notre constitution Monsieur L Zinsou ne peut être juge. La CENA et la Cour constitutionnelle sont les seules responsables du déroulement et de la proclamation provisoire et définitive des élections présidentielles. Donc si ces deux institutions ne sont pas corruptibles comme sous d'autres cieux avec des conséquences de guerre civile, les élections de 2016 seront démocratiques, très sérieuse avec un KO sans suspicion au 1er tour. Parce que au delà de la mouvance, le Peuple aura compris l'enjeu. Vive la démocratie, vive le Bénin. Marc Napoléon ASSOGBA
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