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Bénin: Les lois électorales actualisées ne souffrent d’aucune anticonstitutionnalité objective

Avis purement personnel, non conforme et non coercitif, du modeste juriste que je suis, même si je ne doute pas que l’immense expérience et connaissance des sages de la Cour Constitutionnelle, peuvent mettre à mal ma certitude, comme le clame justement une certaine frange de parlementaires opposés à ces lois actualisées, pariant avec fermeté et préjugeant ainsi du sens de la décision de ladite Cour, le passé nous ayant déjà édifié quant à la capacité de médium de ces mêmes parlementaires lorsqu’ils sont opposés à une loi donnée.

En effet, des voix s’élèvent depuis peu contre les lois générale et particulières devant régir les élections présidentielle, législatives et communales, récemment aménagées par les parlementaires, tantôt pour fustiger les conditions d’éligibilité à la fonction de président de la République, la nouvelle composition de la structure faîtière en charge des élections, l’augmentation du nombre des parlementaires, le couplage ou non des futures échéances de 2011 et l’utilisation ou non à cette occasion de la LEPI en cours d’élaboration.

Une analyse circonstanciée, et dépassionnée des divers textes ne peut que converger vers un réalisme socio-politico-économique des aménagements effectués et justifier la prudence à observer sur la certitude de certains parlementaires et personnalités qui prédisent déjà la censure constitutionnelle desdites lois électorales, laissant planer un doute sur l’impartialité des sages.

Il convient de saluer d’abord ce qui peut être considéré comme avancées notables avant de s’appesantir sur les possibles motifs de censure tels qu’avancés par l’opinion dissonante à ces lois.

1. Sur le couplage éventuel des élections rapprochées

La possibilité légalement offerte de couplage de plusieurs élections éloignées d’un mois, constitue une avancée économique, de nature à sauvegarder les maigres ressources déjà difficilement mobilisées et gérées.

2. Sur l’augmentation du nombre de parlementaires

Cette novation constitue un réalisme social à porter au crédit des parlementaires.

Héritée de la première législature, le nombre stagnant des 83 parlementaires, justifié en 1991, ne peut plus être en adéquation 19 années après, avec l’évolution démographique du pays.

Au-delà de l’aspect purement démographique, il se trouve que l’aspect représentatif s’en trouve impacté.
Au sein de l’hémicycle le découpage des circonscriptions fait que les députés sont élus avec des suffrages disparates. Les zones à forte densité humaine fournissent plus de suffrage pour l’élection d’un député. A titre illustratif, la circonscription incluant Zê ou de Djakotomey nécessite plus de 25000 à 50000 voix comme quotient électoral, alors que celle incluant Sinendé élit un député avec seulement 9000 voix et certaines encore moins. Ce déséquilibre de quotient électoral justifie la facilité de transhumance de certains élus qui conscients de leur faible représentativité, ne trouvent aucune difficulté à se muer en négociants parlementaires.

3. Sur les obligations pour les candidats aux législatives

Il convient de saluer la mesure imposant le quota minimal de 20% de femmes sur les listes, faisant ainsi peser une obligation légale d’acceptation des listes sur les partis politiques. En espérant que la malice politique, n’aura pas pour conséquence de cantonner le genre féminin à des positions non porteuses de chance d’éligibilité. Il est à souhaiter que le décret d’application se fasse plus incisif à ce propos.

L’avancée notable en matière d’élections législatives demeure l’obligation pour les membres du gouvernement, les dirigeants d’entités publiques, membres de l’appareil de l’exécutif central, déconcentré et décentralisé en général de démissionner 120 jours avant le scrutin.

Cette mesure, faisant valoir la véritable égalité des citoyens devant le scrutin, dans notre société où les moyens de l’Etat sont abusivement confondus au patrimoine personnel et utilisés pour des fins électoralistes.

4. Sur la nouvelle composition de la CENA

Avis discutable certes, mais convaincu que la diminution des membres de 17 à 11 de la CENA traditionnelle, ne constitue pas un gage de mauvaise performance de cette structure en charge de la centralisation des résultats avant transmission à la Cour Constitutionnelle, et encore moins un motif de censure constitutionnelle.

En effet, avec l’introduction des nouvelles technologies et en prenant en compte l’immense travail fourni par les structures déconcentrées de la CENA que sont les CED(départements), les CEC(communes) et les CEA(arrondissements), véritables chevilles fonctionnelles de l’organisation centralisatrice, la réduction de ses membres ne peut handicaper son fonctionnement normal, tant son rôle est à mon humble avis secondaire dans la collecte, opération primaire et primordiale, des résultats. Une bonne et meilleure organisation des organes déconcentrés sus cités est le seul gage de l’efficience de la mission.

Réduire les coûts de fonctionnement de la CENA tout en améliorant le fonctionnement à la base de ses structures déconcentrées, en les dotant de moyens humains et matériels adéquats, telle est ma lecture de la nouvelle composition de la CENA.

5. Sur l’hypothétique utilisation de la LEPI pour les prochaines consultations

Principal grief soulevé par les parlementaires médium, partisans, requérant et prédisant la censure de l’auguste Cour, faisant une mauvaise ou partiale lecture de la Loi, le rejet du principe de la LEPI, ne figure nulle part de manière absolue dans la Loi adopté.

L’article 4 de la Loi 2010-33 réaffirme le principe général de l’organisation des élections sur la base de la LEPI.

L’alinéa 5 de l’article 7 de la même Loi précise néanmoins que le recours à la LEPI pour toute élection à venir, ne sera effectif que si elle est disponible c'est-à-dire, finalisée avec les recours subséquents, et transmise à la CENA, 60 (soixante) jours avant le scrutin visé.

L’élection présidentielle de 2006, les législatives de 2007, les communales de 2008, ont été organisées sur la base de listes autres qu’informatisées malgré l’existence légale du principe de la LEPI, sans qu’aucune anticonstitutionnalité objective soit soulevée.

Quelles plus grandes preuves de prudence et de prévision peuvent objectivement être apportées à une disposition destinée à régir le futur qu’est la loi électorale générale ?

La censure de la Cour ne peut objectivement pas porter sur une mesure aussi prudente, sauf pour motifs subjectifs inavoués, tant que le principe général de la LEPI n’est pas remis en cause.

La loi pose des conditions pour l’effective utilisation de la LEPI, conditions qui ne dépendent pas de la bonne volonté d’un acteur politique donné, mais de la seule poursuite idoine du processus déjà en place par les instances autonomes dédiées à la confection de la liste électorale en question. Si à 60 jours, du scrutin, les étapes de la LEPI permettent de considérer qu’elle est finalisée et utilisable en l’espèce, la loi sera d’application stricte et les députés, le peuple, se soumettront à la loi 2010-33 qui impose de principe le recours à la LEPI ainsi constituée et transmise à la CENA.
Ce serait au contraire faire preuve d’inconséquence, que de maintenir l’exclusive exigence de la LEPI, avec les insuffisances et retards accusés par le processus, sans penser à une solution provisoire pour les prochaines élections, qui si elles ne sont pas tenues à bonne date, seraient constitutives d’une situation de violation de la Constitution.
Les partisans et prédicateurs d’une censure constitutionnelle sur ce fondement, se rendraient implicitement coupables d’un aveu de l’impossible réalisation à temps de la LEPI.


6. Sur la caution financière pour la présidentielle

Abondamment débattue et taxée de faire valoir le culte de l’argent au profit des valeurs morales, cette novation par accroissement du montant de la caution peut être diversement appréciée mais ne peut nullement constituer un motif objectif de censure.

L’article 48 de la loi fondamentale béninoise laisse latitude au législateur de fixer « les conditions d'éligibilité, de présentation des candidatures… » et le place donc dans son droit absolu de décider en l’espèce si le montant de la caution doit être surévalué ou non.
Le débat se situe en l’espèce sur le montant que certains trouvent attentatoires à la liberté de se présenter.

Si la Constitution précise le droit pour tout citoyen remplissant les critères de son Article 44, de se porter candidat à l’élection présidentielle, elle ne précise pas le droit pour tout citoyen d’être élu.
Cette situation implique qu’un seul citoyen sera élu, hissant la fonction présidentielle à la plus haute du pays, et il est de bon ton que le niveau de la compétition soit à l’image présidentielle.
Au-delà des valeurs morales et d’éthique, il convient de permettre une compétition saine, qui devra induire un éclaircissement du paysage politique.
A titre d’illustration, pour la dernière présidentielle, sur les 26 candidats autorisés à concourir, seulement 4 (quatre) ont dépassé la barre des 5% nécessaires à l’époque pour obtenir le remboursement de la caution déposée.
En dehors des quatre candidats Yayi Boni (35,60%), Adrien Houngbédji (24,23%), Amoussou Bruno (16,52%), et Léhady Soglo (8,54%) les autres 22 candidats culminaient de 3,23% à 0,10%, avec pour certains des résultats suffisant à peine à faire élire un conseiller municipal dans certaines zones à forte densité humaines.

L’élection présidentielle est nationale et il n’est pas rare de voir certains candidats se cantonner à leur commune dans le but de spéculer pour les accords de second tour.

A lire ces statistiques on se rend compte sans surprise que les quatre de tête, sont portés par les grands partis traditionnels ou les plus grands regroupements humains et politiques.
La Loi querellée en l’espèce relative aux conditions particulières à l’élection du Président de la République, prévoit en son Article 12, le paiement de la caution de 100 millions de nos francs, mais aussi le remboursement de cette dernière dès que le seuil des 10%(contre 5% antérieurement) des suffrages serait atteint.

Par ailleurs, la Loi 2010-33, prévoit en son article 103, le remboursement des frais de campagne limités à 2.500.000.000 de nos francs, à hauteur de 25%, pour le candidat ayant recueilli les 10% requis.
Une double garantie pour toute personne désireuse de concourir à cette élection : garantie de recevoir le remboursement cumulé de la caution et des frais engagés soit au moins 850 millions de nos francs.
En partant du principe qu’on ne se lance pas dans une élection dans le but de la perdre, tout potentiel candidat devrait prétendre au remboursement équivalent comme sus démontré, et les débats sur le montant de la caution n’ont donc plus lieu d’être.

D’un point de vue logique, pourquoi toute personne capable d’engager jusqu’à 2.500.000.000 de nos francs s’inquièterait-elle de la caution de 100 millions ?

A titre d’illustration sur la base des mêmes statistiques de 2006, sur les 4.286.045 inscrits, il serait demandé à tout sérieux candidat de réunir au moins 428.604 suffrages exprimés en sa faveur, représentant les 10% requis au regard de la loi querellée.

Plutôt que de rechercher dans ce montant, des sources hélas inexistantes de censure constitutionnelle, ses adversaires devraient se réjouir de l’élevation du niveau de la compétition, excluant d’office des candidatures commanditées et l’invasion des candidatures commercialo-spéculatives.

Les prédications antérieures des parlementaires acquis à la mouvance présidentielle, sur la censure de la cour des sages des lois adoptées par la majorité parlementaire et auxquelles ils étaient opposés, ont tellement été confirmées par ladite Cour, que nous préférons faire place à l’adage que « la Cour constitutionnelle a ses raisonnements que le droit ignore peut être »….et il nous faut donc attendre qu’elle se prononce éventuellement pour juger du sort réservé à ces lois électorales, entre celui de condamnées à mort ou de rescapées….

Le 26 Août 2010,

Nourou-Dine SAKA SALEY
Juriste.

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