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La Cour constitutionnelle béninoise est-elle dans son rôle constitutionnel ?


Dans la droite ligne de notre précédente intervention sur le concept (toujours non défini et non précisé par nos sages de la Cour), de la majorité/minorité, il nous est apparu important, notamment au regard de la récente décision de la Cour(DCC 09-057 du 21 avril 2009) qui a imposé un délai de désignation des représentants du groupe qu’elle qualifie et « décrète » d’opposition, au sein de la Haute Cour de Justice, de situer un peu le rôle originel de la Cour et de nous interroger sur les conséquences de ses décisions.

Tout d’abord, en s’appropriant et en défendant, des concepts politiques tels que la minorité/majorité, qu’elle utilise comme toile de fond de son argumentaire, la Cour Constitutionnelle crée des précédents que nous pouvons difficilement qualifier de juridiques, si tant est que sa fonction première est juridictionnelle et qu’elle s’en souvient.

I- De la nouvelle casquette politique portée par la Cour Constitutionnelle actuelle……..

Au terme du Titre V (articles 114 à 124) de la loi fondamentale béninoise, la Cour Constitutionnelle a un rôle d’organe régulateur du fonctionnement des institutions de la république et des pouvoirs publics.
L’article 124 de la Constitution, hisse les décisions de la haute juridiction au rang de celles s’imposant à tous les pouvoirs publics et à toutes les autorités civiles, militaires et juridictionnelles.

Le caractère suprême des décisions de la Cour en droit interne, rend d’autant plus délicate la mission de ses membres dont les conditions de désignation sont par le même Titre V, assez encadrées, tant par les exigences de compétences, que de grandes probité et moralité.

A cet effet, il est évident que les membres de la Cour ont le devoir professionnel et moral de se placer à un niveau non pas suprême, mais supérieur aux contingences personnelles et politiques, gage d’une crédibilité des décisions, rappelons le, insusceptibles de recours et s’imposant à tous.

Tout organe juridictionnel à quelque niveau que ce soit, se doit d’être gouverné par deux principes sacro saints : indépendance et impartialité. La confiance des citoyens (dont la garantie et la sauvegarde des libertés sont de ses attributions) en ses décisions, en dépend.

Si nous ne sommes pas laissés guider par la désignation des membres de l’actuelle Cour, hautement qualifiée et qualifiable de désignation politique, et assez contestée en raison de la procédure, c’est justement en raison de leurs parcours personnel et compétences, auxquels nous avons volontairement octroyés une présomption d’impartialité.

Les décisions successives de la Cour quant au mode de désignation par l’Assemblée nationale de ses représentants dans diverses institutions, nous amènent à revoir à la baisse nos espoirs d’impartialité.

La Cour constitutionnelle tend à se substituer aux parlementaires au regard de ses récentes décisions.
En effet, la Cour, aussi suprême que soient ses décisions, n’intervient dans ses attributions constitutionnelles régulatrices et de contrôle, que pour juger de la conformité d’un acte juridique des pouvoirs publics à la constitution ou aux principes généraux de droit. Elle n’a nullement le droit de se substituer aux dits pouvoirs dans leurs attributions respectives.
Le rôle de la Cour en ce qui concerne la désignation des représentants de l’Assemblée nationale au sein de la Haute Cour de Justice et des Parlements sous régionaux, devrait donc se limiter tout au plus à une simple remise en cause du mode de désignation si celle-ci s’avère être contraire au règlement intérieur de l’institution, intégrée au bloc de constitutionnalité, emportant ainsi compétence de la Cour quant au contrôle de constitutionnalité.

Par sa jurisprudence, la Cour au fil des ans, s’est attribuée des compétences supplémentaires, notamment celles de donner des pistes de (re)mises en conformité.
Les dites pistes en raison du caractère insusceptible de recours des décisions de la Cour, doivent être encadrées non seulement dans un carcan juridique, principale matière de travail de la Cour, mais aussi et surtout être exemptes de tout interventionnisme politique.

Si la décision énonçant le concept de la minorité/majorité a entamé notre surprise quant à cet interventionnisme politique soupçonné, la dernière décision DCC 09-057 du 21 avril 2009, qui a timidement nuancé ce concept en utilisant désormais le terme « tendance majoritaire », a achevé notre étonnement, tant la Cour s’est illustrée dans l’interventionnisme politique craint, avec tendance à se substituer de force aux parlementaires.

II- ……..A la dangereuse matraque politique qu’elle s’arroge.

Si la Cour Constitutionnelle se découvre de nouvelles aptitudes mathématiques et politiques quant au mode de répartition des sièges au sein des « tendances » parlementaires, il serait de bon ton qu’elle se découvre aussi la possibilité de s’interroger sur la conformité à la Constitution, de la désignation partielle des représentants des parlementaires au sein de la Haute Cour de Justice et des parlements régionaux.
A notre sens, désignation partielle n’est pas désignation et cette irrégularité, la Cour devrait le relever d’office puisqu’elle s’est dite demeurant saisie du contentieux relatif à cette désignation jusqu’à son complet dénouement.
A notre grand étonnement, la désignation partielle a été implicitement validée et au surplus, la Cour impose à l’Assemblée de « se réunir au plus tard le mercredi 20 mai 2009 et quelle que soit la tendance présente pour pourvoir aux trois (03) postes restants ».

La contradiction contenue dans ce dictum de la Cour est aussi consternante que maladroite.

En effet, « l’Assemblée » est considérée comme une universalité, une collégialité, et ne peut être assimilée à, réduite à, ou remplacée par une « tendance ». En renfort, les règles de majorité et de quorum n’ont pas un but superficiel, dans le sens où le respect de la démocratie nécessite un minimum pour considérer que « l’Assemblée » s’est réunie, ou prononcée sur un sujet.

Par ailleurs, si les représentants actuels ont été désignés par une première tendance, comment comprendre le dictum de la Cour, si quelle que sera la tendance à la date limite, la désignation devra être faite ?

La même tendance aura-t-elle le droit de désigner les autres représentants si l’autre ou les autres tendances s’abstiennent de le faire ?

La répartition prônée par la Cour sera-t-elle ainsi respectée ?

Les décisions de la Cour sont insusceptibles de recours, mais la Constitution ne leur a pas donné un effet coercitif.
C’est dire que la Cour Constitutionnelle ne peut et n’a pas les moyens, de contraindre l’institution ou le pouvoir public concerné à appliquer la décision qui ne devrait être qu’une décision de conformité ou de non-conformité.
Les « recommandations » de la Cour, qui dépassent déjà ses attributions constitutionnelles originelles héritées du constituant, ne peuvent corrélativement pas avoir un effet coercitif.

La Constitution béninoise n’ pas entendu donner un effet coercitif aux décisions de la Cour, à notre sens, pour laisser une soupape de sécurité quant à la conservation de l’indépendance des institutions, respectueuse de la séparation des pouvoirs et symptomatique de l’Etat de droit.

La Cour constitutionnelle s’obstine délibérément, à faire adopter une clé de répartition à l’Assemblé nationale, sur la base d’un concept fluctuant à une date où les éléments de sa décision consacrant ce principe de répartition ont considérablement changé. Actuellement la majorité de Mars 2007, n’est pas celle du 8 janvier 2009, encore moins celle du 27 avril 2009 ou du 20 mai 2009.

Le hasard fait que l’obstination de la Cour est constatée lorsque les parlementaires acquis au gouvernement sont en position numérique inférieure, une obstination similaire à celle de ce groupe, qui amène à s’interroger sur la nécessité et la motivation profonde pour ce groupe de contrôler entre autres la Haute Cour de Justice, Cour qui, rappellons le, est seule habilitée à connaître des infractions commises par les membres du gouvernement et le Président de la République dans le cadre de leurs fonctions.

La suprématie en droit interne des décisions de la Cour et ses attributions de droit quant au contentieux électoral doivent nous rendre plus attentifs aux décisions qu’elle rend et à leur dangerosité lorsqu’elles ont une teinte plus ou moins favorisante.


Eu égard à tout ce qui précède, il nous plait de poser la question suivante : La Cour actuelle saura-t-elle garantir aux citoyens l’impartialité et l’indépendance dans son prochain rôle de juge électoral ?



Nourou Dine SAKA SALEY
Juriste

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