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L’interpellation par l’Assemblée nationale du Chef de l’Etat, Chef du gouvernement béninois, n’est pas anticonstitutionnelle.


Suite aux propos attentatoires aux libertés d’association et publiques, prononcés par Nicaise Fagnon, Ministre délégué auprès du Président de la République, des députés ont interpelé le Chef du Gouvernement afin qu’il réponde des propos du membre de son Gouvernement.
Contre toute attente, il a été abondamment relayé par presses interposées que cette interpellation, possibilité offerte par l’Article 71 de la loi fondamentale béninoise, est anticonstitutionnelle.
En effet au terme de cet article, la Constitution laisse l’Assemblée nationale libre d’interpeller à son choix le Président de la République ou tout membre du gouvernement.

Tout en réfutant d’entrée l’inconstitutionnalité de cette interpellation, nous allons, nous attacher à préciser les justifications, qui selon nous appellent à une interpellation personnelle du Chef de l’Etat, Chef du Gouvernement, béninois.

1- Une interpellation justifiée par les dispositions constitutionnelles.

Comme précédemment évoqué, l’Article 71 de la Constitution béninoise laisse le choix aux parlementaires d’interpeller le Chef du Gouvernement ou tout membre du Gouvernement (dans cet ordre précis) dans l’exercice de ses fonctions gouvernementales.
On est tenté de trouver une normalité dans ce choix et dans la volonté de l’Assemblée nationale d’entendre le Chef de l’Etat en priorité.

En effet, tant le Chef du gouvernement, que les députés tiennent leur légitimité du suffrage universel direct, puisqu’ayant été élus par le peuple. Il est donc normal que le peuple par la voix de ses représentants au Parlement, puisse entendre leur mandataire au niveau exécutif qu’est le Chef de l’Etat.
Au surplus, le ministre quelque rang qu’il occupe au sein de l’appareil gouvernemental ne détient sa « légitimité » qu’à la faveur d’une décision administrative prise par l’émissaire du peuple au niveau de l’exécutif qu’est le Chef de l’Etat.

L’alinéa 4 de l’Article 54 de la Constitution béninoise dispose expressément que les membres du gouvernement sont responsables devant le Président de la République, Chef du Gouvernement. Cette exclusivité de responsabilité des membres du gouvernement renforce d’autant plus la responsabilité corollaire de cette même autorité, qui demeure seul détenteur officiel de la décision de faire de la personne de son choix un membre du Gouvernement ou non.

2- Une interpellation justifiée par la spécificité du ministère concerné.

Il apparaît dans l’organigramme du gouvernement d’Octobre 2008 que Nicaise Fagnon est ministre délégué auprès du Président de la République, des Transports terrestres, des transports aériens et des travaux publics.
L’adjonction volontaire du titre « délégué » à la fonction ministérielle, place le ministre, y compris dans l’esprit du décret, sous l’autorité directe du Président de la République.

L’accès d’un ministre délégué n’est en principe pas de droit en Conseil des ministres. Le décret portant attribution dudit ministère doit le préciser, sinon par défaut, le ministre délégué n’intervient au Conseil que pour les dossiers concernant son département.
Il ressort donc de cet état, que les qualités et fonction de Ministre de Nicaise Fagnon demeurent liées à celle du Président de la République qui est de droit son autorité référente.

3- Une interpellation justifiée par le pur bon sens.

Dans toute société humaine, la responsabilité du Chef, devrait se présumer quant aux agissements des hommes qu’il a sous ses ordres et dont il a assuré la présence à ses côtés en fonction de la confiance en eux placée.
Faisant appel au concept juridique du comportement « en bon père de famille », l’interpellation du Chef de l’Etat ne devrait donc pas choquer et devrait même être considérée comme étant un acte républicain participant du bon fonctionnement des institutions et donc de la démocratie, contrairement au mutisme du gouvernement à ce propos (en respect de la solidarité gouvernementale, nous présumons), puisqu’il est en fait représentant personnel du citoyen béninois qui en a fait le Chef de son exécutif, lui attribuant ainsi le pouvoir de présider aux destinées des béninois en s’entourant de l’équipe qu’il estime apte à l’aider à sa mission républicaine héritée de son peuple.

Il demeure donc le garant de nos intérêts communs, à l’exclusion des intérêts isolés de ses partisans et proches si l’on en croit les liens familiaux d’avec son ministre délégué que lui attribue le Numéro 564, de la Lettre du Continent, journal international en date du 14 mai 2009, faisant allusion aux accusations de malversations portant sur le désormais ministre concerné, lors de son séjour à la tête de la SONAPRA.

La responsabilité du Chef de l’Etat est donc plus accentuée dans ce cas, dans le sens qu’en tant que Chef du Gouvernement(les titres n’étant ni superflus, ni décoratoires), il a le devoir de discipliner les membres de son gouvernement qui, rappelons-le demeurent exclusivement « responsables » devant lui.


En conclusion, le dicton « Aux grands pouvoirs, les grandes responsabilités » est plus que jamais approprié en ce sens où l’infinie liberté de choix du Président, Chef du gouvernement, concernant la composition de son gouvernement (l’avis du seul bureau de l’Assemblée n’étant que consultatif) renforce sa responsabilité quant à leurs actes publics une fois qu’ils portent le sceau de membre du gouvernement.

Il est inutile de rappeler, qu’au-delà de la conscience personnelle de Nicaise Fagnon de se considérer en tout temps et tout lieu comme membre du gouvernement, il demeure à cette date ministre en exercice. Tous les actes publics qu’il pose donc devront donc être mesurés et adaptés à sa fonction ministérielle, et ce d’autant plus qu’il était «politiquement inconnu» sur le plan national avant sa nomination à la direction générale de la Sonapra et ensuite à la tête du ministère délégué aux transports.

On ne peut non plus le classer dans la catégorie des « hommes politiques, représentants de la cité » car à notre sens, ne méritent ce titre que les personnes qui ont fait l’expérience d’un suffrage universel direct et qui ont à cœur le respect de certaines valeurs démocratiques.
Il demeure un homme « nommé à une fonction politique » et non pas un homme politique.

Il serait incongru de faire croire au citoyen béninois que le ministre en tenant des propos à Dassa-Zoumè, ne se sentait pas ministre de la République à ce moment là. Personne ne peut juger ou préjuger du contraire.

C’est l’occasion de regretter notre sœur et amazone de la société civile dont l’entrée au gouvernement, nous plonge dans une sensation d’orphelinat, tant les sorties légendaires de la société civile semblent désormais handicapées par son absence. L’élan citoyen et national devrait réveiller non pas seulement les hommes politiques mais aussi tous les béninois jaloux de la démocratie et de la pluralité d’opinion en terre béninoise.

Une pétition électronique appelant au limogeage (puisque la démission ne semble pas être de ses principes et résolutions personnels) du ministre fautif, marquant le refus du peuple béninois de voir ses fils divisés, par les propos d’un « homme nommé à une fonction politique », suit son cours et a notamment enregistré des avals comme ceux du Doyen Olympe Bhêly Quenum, et Mr Sébastien Azondékon, en plus des béninois de tous ordres réaffirmant ainsi la suprématie de la solidarité citoyenne et nationale sur toute solidarité gouvernementale ou de quelque autre ordre que ce soit.


Nourou Dine SAKA SALEY
Juriste.

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