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Les béninois ne voteront pas le 27 février 2011……


Soumettre le rendez-vous constitutionnel obligatoire devant désigner le Président de la république à un préalable exposé à des aléas de l’ordre de ceux que nous avons observés, tel est le remarquable exploit de nos sages de la Cour constitutionnelle béninoise.

En effet, subordonner la tenue de la présidentielle à la disponibilité préalable de la LEPI, peut apparaître comme une décision inconséquente et teintée d’imprudence de la part de nos sages, mais nous leur donnons le bénéfice du doute en partageant cet « optimisme fanatique ».

La CPS-LEPI par la voix de son « respecté coordonnateur », nous avait promis de manière ferme et définitive, la disponibilité de la LEPI pour le 31 décembre 2010. Nous avions cru en ces « super techniciens », n’ayant nullement à leur actif connu, la confection d’une LEPI par le passé ou dans une autre vie, et avions cru mettre la LEPI dans nos résolutions de la nouvelle année 2011 qui doit connaitre nos deux élections majeures.

Rien de tout ce qui concourt à la tenue d’une élection n’est actuellement en place pour espérer en avoir une. L’installation de la Céna est minée par une mésentente non réglée entre « sociétés civiles » sur le choix de « son » représentant, alors que sans ses démembrements non encore discutés au parlement, le travail effectif ne sera point lancé, et pendant que la liste électorale permanente informatisée est coincée quelque part dans les méandres des kits biométriques grippés par l’harmattan sévissant entre autres…

La seule certitude avec laquelle nous nous berçons est la convocation du corps électoral par le gouvernement…Convocation formelle, mais surtout destinée à faire échapper leur auteur responsable à une mise en accusation pour violation d’une obligation constitutionnelle au regard des dispositions cumulées des articles 46 et 47 de la Constitution.

Ce soporifique de la convocation du corps électoral ne doit pas nous faire occulter les conséquences de l’exigence de la Cour constitutionnelle au regard de la tenue effective du scrutin le 27 février…

1. Les « candidats à la candidature » ne pourront pas respecter les délais et exigences légaux…

Utiliser le terme de « candidats à la présidentielle » avant toute validation par la Cour constitutionnelle est un abus de langage.

En effet, l’article 44 de la Constitution, fait obligation pour tout candidat de faire valider sa candidature par la Cour Constitutionnelle (encore elle !), avant de se voir attribuer le sésame constitutionnel, conférant une telle qualification et qualité. Avant ladite validation par la Cour, les déclarants demeurent donc des « candidats à la candidature », parce que la Cour dispose du pouvoir (non susceptible de recours) de les déclarer inapte à la course présidentielle.

Au nombre des exigences de cet article, la Constitution impose le fait « de jouir de tous ses droits civiques et politiques ». Au rang de ces droits, trône en maître celui de vote, donc la qualité d’électeur.

Pour donc être candidat à la présidentielle ou de toute autre élection, le candidat à la candidature doit d’abord être électeur.

Le paradoxe de la LEPI quant à cette exigence, est que le fait matérialisant la qualité d’électeur est la délivrance de la carte d’électeur.
Ne peut être considéré comme électeur, que celui qui dispose de sa carte d’électeur ou tout au moins de son inscription définitive (après publication provisoire, recours légaux, et extraction) sur la liste électorale permanente informatisée.

Les super techniciens sans expérience antérieure de LEPI, nous promettent encore une fois (inutile de rappeler l’adage des promesses politiques) la publication de la LEPI pour le 15 février, soit une date tombant en plein dans la campagne au regard des dispositions légales et de la tenue hypothétique de l’élection le 27 février 2011.

L’article 8 des règles particulières pour l’élection du Président de la république impose que les candidatures soient déposées à la CENA ou ses démembrements 30 jours avant le jour du scrutin, soit au plus tard le 27 janvier 2011.

Pour respecter la date du 27 janvier 2011, le « candidat à la candidature » devra joindre à son dossier la preuve de sa qualité d’électeur, preuve qui au regard des circonstances sus énumérées ne peut, au mieux, être présumée que le 15 février 2011…

La Cour devra donc, au regard de son désir d’imposer la LEPI pour ladite élection, étudier à partir du 27 janvier 2011 (en espérant que la Céna soit installée), des dossiers de candidature dont l’une des pièces ne pourra être fournie qu’à partir du 15 février 2011, et se prononcer avant le 12 février, date prévue pour l’ouverture de la campagne…

On est tenté de s’exclamer « Pourquoi diable nous embarque-t-elle dans cette galère ? », en imposant la LEPI, mais la Cour doit avoir le secret des miracles…

A cette date en effet, personne, y compris les candidats et les sages de la Cour, ne disposera de la preuve de sa qualité d'électeur au regard de la loi sur la LEPI, qualité indispensable dont la preuve est exigée dans la liste des pièces déposées à la Cour.

Le risque est fort que nous soyons encore à la date de la fin constitutionnelle du mandat présidentiel en cours, le 6 avril 2011, à nous demander quand est ce que le peuple s’exprimera par la voie des urnes.


2. Les suites prévisibles de la situation de la fin du mandat présidentiel sans élection préalable

Si le destin nous amenait, pour la première fois depuis notre expérience démocratique, à la non tenue d’une élection présidentielle dans le respect des délais constitutionnels, c'est-à-dire tout au moins 30 jours avant la fin du mandat en cours, nous en serions très reconnaissants à la Cour, de nous avoir fait une belle image de démocrates, mais aussi nous devrons nous interroger sur la personne qui portera le titre de Président, puisqu’il en faut une.

L’article 50 de la Constitution prévoit limitativement les cas de suppléance à la présidence de l’Etat.

L’alinéa 1er de l’article 50 fait droit au Président de l’Assemblée, en cas de vacance par décès, démission ou empêchement définitif. Le Président de l’Assemblée nationale en cours, en fin de mandat également, ne pourra donc prétendre à assurer l’intérim provisoire que dans ces trois cas limitativement énumérés par la loi fondamentale. Toute autre sorte de vacance n’étant pas prévue, nécessitera une interprétation de la disposition constitutionnelle par la Cour (encore elle !).

L’alinéa 3 de l’article 50 de la Constitution, fait droit au Président de la Cour Constitutionnelle en cas de mise en accusation du Président de la république.

Il ressort donc de ce texte que seuls MM. Mathurin Nago (Président de l’Assemblée nationale en fin de mandat, donc risque potentiel de nouvelle vacance), et Robert Dossou (Président de la Cour constitutionnelle) se trouvent en pole position pour arborer provisoirement la toge de président intérimaire.

Dans le cas de Mathurin Nago, la seule possibilité souhaitable (loin de nous les cas décès ou l’empêchement définitif du Président de la république) serait une démission (comme envisagée et recommandée par l’aîné Amouda Razaki, nouveau membre de la CENA 2011), permettant au Président de l’Assemblée de disposer de 30 à 40 jours à partir de la déclaration de vacance, pour la tenue de l’élection. Nous aurions une chance plus objective de coller aux impératifs de la Cour au regard de la LEPI.

Le cas de Robert Dossou ne serait envisageable que dans le cas d’une mise en accusation du Président de la République. A cet effet, il y en a une en cours et aussi une autre possible sur le motif de la convocation du corps électoral qui ne nous semble pas respecter les exigences de l’article 35 de la Constitution (« devoir de l'accomplissement de la fonction d’élu politique avec conscience, compétence, probité dévouement et loyauté dans l'intérêt et le respect du bien commun »).

En toute objectivité, si nous arrivions au 6 avril sans élection (entendre deux tours séparés de 15 jours), et en l’absence de la survenance d’un des cas de l’article 50 de la constitution, le sort du Bénin se retrouverait devant la Cour Constitutionnelle qui ne peut ni proroger le mandat du Président de république, ni celui du Président de l’Assemblée nationale.

L’interprétation dudit article au regard de la situation de vide juridique (non souhaité, mais à envisager en toute prudence) sera donc du seul ressort de la Cour présidée par Me Robert Dossou, dont le mandat est par contre valable encore deux années, lui laissant la marge nécessaire pour l'organisation d’élections avec la liste électorale permanente informatisée imposée par elle.

Pour la première fois au Bénin depuis notre accession à la démocratie, nous nous inquiétons de la tenue à bonne date d’élection présidentielle, rendez-vous que nous n’avons jamais manqué dans les délais constitutionnels, et peut être pour la première fois au Bénin, aurons-nous un Président intérimaire que la Cour constitutionnelle choisira entre M. Mathurin Nago et M. Robert Dossou.

Charité constitutionnelle bien ordonnée…



Nourou-Dine SAKA SALEY
Juriste

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