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Contribution de Mr Oyétundé AYENI - Le Microcrédit aux Plus Pauvres (MCPP) : Entre diversions et inefficacité


Compte tenu de l’épuisement des créations d’emplois publics, et de l’absence de relais du secteur moderne privé, un large éventail de petits emplois peu ou pas qualifiés ont émergé au point de jouer un rôle déterminant dans l’environnement économique et social du BENIN.

Le programme MCPP instauré par le gouvernement démontre la prise de conscience politique de cette problématique, mais aussi une reconnaissance du rôle primordial qu’elle induit dans la vie quotidienne des populations. On pourrait cependant s’interroger sur la capacité de ce programme, vu l’orientation qui lui est donnée par le gouvernement de la République du Bénin, d’atteindre réellement son objectif principal, à savoir la réduction de la pauvreté.


I – DE LA DIVERSION DU PEUPLE A TRAVERS LE FNM

Faire croire qu’en distribuant de l’argent au peuple, tel une manne peut réduire la pauvreté relève d’une irresponsabilité intellectuelle.

En effet, ce n’est pas l’existence même de la pauvreté qui est aujourd’hui un fait nouveau, mais la volonté des autorités publiques de la réduire. Car il subsiste une hérésie politique: le manque d’interventions ciblées et coordonnées intégrant la notion de micro-entrepreneurs en vue d’une véritable politique de gestion des risques sociaux prenant en compte la question des revenus et le poids de la vulnérabilité.

Jouant à la diversion politique, le gouvernement du changement a créé par décret, le Ministère de la Micro finance, de l’emploi des jeunes et des Femmes.
A ce effet, a été mis en place le Fonds National de la Micro finance qui s’appuie sur l’une des ambitions du DSCRP à savoir :« inscrire la lutte contre la pauvreté dans un cadre d’analyse stratégique globale qui touche les divers déterminants du bien être social et en particulier la participation des pauvres afin de planifier davantage d’interventions synergiques pour un meilleur impact sur la pauvreté ». Si je partage entièrement cette ambition du Fonds National de la Microfinance, je trouve qu’elle contraste fortement avec la politique mise en œuvre.

Outre les objectifs qui sont universels et justifiés en matière de micro finance, le pack MCPP proposé par le Fonds National de la Micro finance me paraît une diversion au regard de l’ambition mentionnée ci-dessus à savoir la prise en compte d’un bien-être social et une convergence d’actions pour un meilleur impact sur la pauvreté. En réalité, le bien-être social suppose la relation intrinsèque existant entre la vulnérabilité et le concept de développement.

Aussi, afin de mieux comprendre les retards de développement, il est nécessaire de s’intéresser un peu moins à la pauvreté et davantage aux pauvres. Pour ce faire, on doit considérer les individus comme des « acteurs du changement et non des destinataires passifs d’avantages octroyés par telle ou telle structure » . Il ne peut donc y avoir de réduction de la pauvreté sans une amélioration de la situation des personnes. Le gouvernement du changement est passé maître dans l’art de l’incantation en avalisant les populations à travers un programme de propagande électoraliste détournant la micro finance version Bénin émergent des ambitions de YUNUS, père reconnu du microcrédit



II – DU CONTENU DU MCPP : UNE INEFFICACITE POLITIQUE

Le Microcrédit aux plus pauvres est un programme proposant un pack de trois produits allant de la formation à l’épargne en passant par le micro crédit afin nous dit-on de réduire la pauvreté.

Face au cercle vicieux de la pauvreté, ce système de pack se résume au regard de ses composantes à la mise en place d’une simple activité génératrice de revenus. Les bénéficiaires suivent une formation (le plus souvent par des sociologues) pour conduire leurs activités, obtiennent un financement, que seulement quelques uns réussiront à rembourser et dans le meilleur des cas, constituer une épargne.

Reste que pour diverses raisons, la vie des pauvres est un long risque qui n’est pas forcément pris en compte. D’où le doute qui prévaut quant à l’efficacité de la micro finance dans l’objectif de la réduction de la pauvreté.

En effet, des accidents qui surviennent tout au long d’un processus entrepreneurial, déclenchent toujours une crise au sein des ménages pauvres et diminuent le profit économique qu’ils ont pu constituer grâce aux programmes de micro finance. Les services d’épargne et de crédit ne permettent donc pas aux ménages de faire face à des risques qui se traduisent par des pertes supérieures à leurs moyens. D’où le besoin de services complémentaires de protection

Par ailleurs, l’avenir économique d’un individu se résume en trois mots : besoins – projets – risques. Or dans le cas d’espèce, le gouvernement du changement ne prend en compte que la problématique de projets. Quelle part reste-t-il alors aux projets si les besoins et les risques accaparent toutes les ressources disponibles ?

Cette question nous oblige à faire de la vulnérabilité de l’individu une question prioritaire. Ainsi pour attaquer la pauvreté, il convient de la projeter dans le futur2. Cela suppose qu’il faut mettre en évidence, les liens nombreux et complexes que l’homme entretient avec le risque. Ceci consiste à permettre à chaque individu de rester propriétaire de soi, ou de le devenir ; c’est-à-dire de profiter d’une part, des opportunités que comportent les risques choisis (à travers les projets qu’il développe et l’accès au micro crédit), et d’autre part de réduire les menaces que comportent les risques subis (inhérents aux dangers externes que l’on peut rencontrer tout au long du processus entrepreneurial).

Si le gouvernement prend bien en compte la première catégorie de risques à travers le MCPP, il n’en demeure pas moins que face à la spirale de l’insécurité économique, les individus sont exposés à la deuxième catégorie de risques qui, lorsqu’ils se réalisent, les font retomber dans un état de plus grande précarité. Ce qui participe à l’accroissement de la pauvreté plutôt qu’à sa réduction.

Il paraît donc nécessaire et indispensable d’associer la micro assurance3 au microcrédit, afin de couvrir les risques subis par les individus les plus démunis.

S’il est vrai que mesurant la précarité de leur situation, certaines populations ont très tôt pris en main la gestion des risques à travers des systèmes informels (dons et contre-dons, tontines, solidarités familiales etc.…) leur permettant d’atténuer les chocs, les Institutions de Micro Finance ont intégré depuis quelques années, des produits d’assurances sous des formes mutualisées offrant quelques garanties élémentaires à leurs adhérents. Ce qui paraît somme toute insuffisant.

L’idée force serait donc de permettre aux bénéficiaires de microcrédits, d’accéder impérativement à l’assurance pour apporter de la pérennité à leur initiative entrepreneuriale en leur permettant de mieux faire face aux aléas. Pour Marc NABETH,« l’adhésion des populations à l’assurance formelle est possible dès lors que cette assurance devient accessible financièrement, géographiquement, et culturellement. »

Il me paraît donc essentiel pour terminer, d’interpeller le gouvernement sur le versant politique, car toute construction sociale et économique peut exploser à tout moment face aux risques dès lors que l’Etat et le marché (financier) refusent d’assumer conjointement la question de la vulnérabilité des populations, gage d’une émergence économique et d’une convergence vers la réduction de la pauvreté.

Deux pistes sont à explorer :
1- une obligation juridique faite aux assureurs classiques de développer de la micro-assurance (comme en Inde)
2- à contrario une défiscalisation et l’adoption de décrets favorables aux acteurs de la micro-assurance (comme au Brésil).

En définitive, le MCPP n’aura aucune incidence significative sur le bien-être social et la réduction de la pauvreté tant que la micro-assurance ne sera pas prise en compte dans toutes ses composantes et que l’Etat restera une chimère avec sa flotte de diversions et d’utopie.

Le débat reste ouvert……….


OYETUNDE AYENI
Juriste socio-économiste
Consultant en micro-assurance



1-Michel VATE, professeur à l’IEP de Lyon, chercheur associé à l’ITM

2-La micro-assurance consiste à octroyer des assurances à des ménages à faibles revenus qui sont des familles pauvres particulièrement vulnérables au risque, qu’il s’agisse de catastrophes naturels, de responsabilité civile ou de risques plus communs tels que les maladies et les accidents.

3-Marc NABETH, consultant CGSI consulting, chercheur associé à l’ITM, expert en micro-assurance

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