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Qui du FNPEEJ ou de ses bénéficiaires est le plus défaillant ?


Le 19 aout 2010 au Palais des congrès de Cotonou se « célébrait » le jour du 3è anniversaire du forum national sur l’emploi des jeunes précédemment tenu en 2007, l’évaluation de ce « noble idéal du gouvernement » (dixit Quotidien Le Matin).

Avant la présence de ma modeste personne à cet évènement, à titre de personne ressource, je ne connaissais les financements d’emplois et de projets jeunes par le Fonds National pour la Promotion de l’Entreprise et l’Emploi des Jeunes (FNPEEJ) que de nom.
C’est dire donc que tout ce que j’en ai découvert a été fait sur le tas et seulement en ce jour-dit à travers les différentes explications des intervenants desquels je faisais modestement partie (autorités en charge de la jeunesse et de l’emploi des jeunes, dirigeants du FNPEEJ, représentants de l’administration publique et « heureux élus jeunes bénéficiaires » du FNPEEJ).
En bon profane du FNPEEJ, je m’étais surpris, inquiété, et à haute voix indigné de la présence massive de jeunes dans l’auditoire, un jour ouvré et à une heure classique de travail, signe ostentatoire d’un désœuvrement massif, situation paradoxale surtout à une occasion qui devrait célébrer la réussite souhaitable d’une initiative lancée 3 ans plus tôt, et qui avait abouti à la naissance du FNPEEJ.

A titre de contribution personnelle et technique à une meilleure efficacité des actions de financement du FNPEEJ, j’avais :
- Préconisé de privilégier l’approche du faire-faire tant dans l’évaluation des projets à financer par des organismes ayant une pratique certaine et professionnelle de l’étude des projets de financements (banques par excellence), que dans le suivi des bénéficiaires des financements
- Indiqué la nocivité de l’origine exclusivement publique tant des fonds alloués à cette opération de financement, que des organes de gestion de ces crédits, en proposant une sous-traitance via les professionnels du crédit, pour assurer une meilleure efficacité et efficience dans l’octroi et dans la destination de ces fonds.

Très tôt je fus accusé en haut lieu de traîtrise, d’infamie, de servir de bras armé de l’opposition pour jeter le discrédit sur des actions du gouvernement. En retour de ce que je considérais comme une contribution citoyenne et bénévole à l’amélioration de l’efficacité d’une opération que je connais par pratique professionnelle au sein d’une banque de financement où j’étais salarié, j’ai accueilli ces accusations comme le prix à payer pour ne pas avoir eu la langue de bois et l’attitude du suivisme acclamatif de rigueur et habituel. Ce prix, je le payerai avec plaisir et dévotion autant de fois que nécessaire.

Avec le temps, ce qui se murmurait sous cape, et qui était qualifié de manœuvres de déstabilisation et d’intoxication d’une opposition apatride, vit malheureusement et progressivement jour. Le FNPEEJ faisait face à une gangrène intérieure liée à un défaut massif de paiement. Le taux qui ressort des confessions des autorités en charge de ce secteur fait était de 81,16% d’impayés, soit 487 jeunes sur les 600 officiellement déclarés comme bénéficiaires du Fonds.
A en croire les autorités en charge du financement des projets jeunes, la cupidité des bénéficiaires et leur envie de rouler rutilantes 4x4, sont la cause du détournement des fonds ayant entrainé le gouffre financier.

Comme sanction entre autres, les noms et coordonnées téléphoniques des bénéficiaires défaillants ont savamment été relayés par voie de presse écrite, en violation totale du droit au respect des informations nominatives et donc de leur vie privée. La Commission nationale pour l’informatique et libertés devrait s’en sentir interpelée.

Dans un pays où les premières autorités nous représentant ont du mal à se conformer à leur obligation légale de déclaration de biens, notamment au regard de l’insolence de la modification de leurs signes ostentatoires d’ascension sociale, cette initiative par les temps d’insécurité croissante, nous apparait comme une erreur d’appréciation préjudiciable non seulement au recouvrement des fonds, mais aussi à la sécurité de ces jeunes bénéficiaires qui seront désormais considérés certes comme des endettés, mais aussi comme nouveaux fortunés ayant un trésor caché.

Aucune institution de crédit, même publique ou gérant des fonds publics, digne du nom ne publie la liste de ces débiteurs. Cette mascarade brandie comme moyen de coercition n’aura pour effet que de soustraire les bénéficiaires à leur obligation de remboursement, puisqu’aucun moyen de traçabilité préalable des fonds ou de leur porteur n’est efficacement à disposition des créanciers. La publication de cette liste est la preuve et l’aveu objectifs de cette défaillance en amont du créancier.

Dans toute opération de crédit, l’évaluation du risque de défaillance de l’emprunteur constitue l’élément premier qui gouverne à la prise en amont de mesures adéquates de recouvrement et de garanties, y compris garanties extérieures à l’emprunteur (notamment des assurances). Il est légitime de douter en l’espèce que de telles précautions eussent été prises concernant les 600 bénéficiaires du FNPEEJ.

Ensuite, la rentabilité du financement en constitue le second critère d’appréciation.

Parmi les bénéficiaires défaillants listés, force est de constater une similarité monstrueuse des activités financées. Le Bénin se retrouvera inondé de lapins, tant les projets d’élevage de lapins ont reçu la faveur du FNPEEJ. Financer la même catégorie d’activités dans la même aire géographique ne peut qu’être nocif à la rentabilité des financements et au-delà de l’activité en elle-même parce que faussant le jeu de la concurrence, l’offre devenant exponentiellement supérieure à la demande. Au regard de ce critère, les financements incriminés du FNPEEJ s’apparentent plus à de la philanthropie monétaire qu’à une réelle démarche macroéconomique.

Tout en « suppliant » les bénéficiaires défaillants à se mettre à jour vis-à-vis de notre effort collectif de contribution économique, il importe que nous appelions à des réformes structurelles et opérationnelles du « noble idéal du gouvernement ».

En effet, il est impératif que la volonté politique perdure dans l’accompagnement pour l’auto emploi et l’entreprenariat des jeunes.
Il est impératif également que de sérieuses réformes aboutissent à une meilleure conception de cet accompagnement. Il n’est point ici question des réformes en trompe l’œil et stériles constituant en la cooptation de personnes ou de proches au sein de conseils d’administrations d’institutions dont le principe d’existence et d’opération même est faussé et défaillant dès la base.

Il est question de repenser le mode d’intervention de la volonté politique et des deniers publics à cette œuvre d’accompagnement.

Il est question de transférer la gestion de l’octroi de crédit et de recouvrement à des professionnels du crédit, ayant au préalable la trésorerie nécessaire, plutôt qu’une mise à disposition des maigres deniers publics à cette cause, si noble soit elle. Culturellement sous nos cieux, l’argent public n’est la propriété de personne, et l’on ne rend compte à personne en cas de mauvaise gestion. Cette malheureuse et délétère conception héritée du comportement de nos dirigeants publics n’est pas de nature à faciliter le recouvrement de fonds publics alloués à des jeunes.
En contrepartie de cet effort des institutions classiques de crédit de procéder à des financements sur mesure, à des conditions avantageuses pour le bénéficiaire, un système de facilités juridiques et fiscales spécifiquement dédiés à l’encouragement des crédits jeunes entreprises sera mis en place.

Ces mesures peuvent recouvrir :
- L’encadrement technique plus accru, des soumissionnaires afin de les doter d’une culture et d’une aptitude managériale et d’entreprenariat de manière en amont, à distinguer les projets d’entreprises créateurs de valeur ajoutée des opportunités économiques ponctuelles et éphémères, notions souvent confondues par les emprunteurs, et en aval à opérer une meilleure gestion pérenne de leur trésorerie

- L’obligation d’une libération progressive, contre résultats, des fonds alloués, plutôt qu’une mise à disposition intégrale en début de projet

- L’obligation d’une tenue de compte bancaire auprès d’institutions de crédit ad hoc privées, avec des taux et des frais étudiés

- L’obligation d’une évaluation périodique des projets, de leur avancement, de leur rentabilité et des capacités de remboursement des bénéficiaires, pour les adapter au besoin aux difficultés de trésorerie

- La spécialisation par novation du FNPEEJ en une structure non pas d’octroi de fonds public, mais en instance de contrôle, de coordination, et de recours de la bonne observation de la politique de projets jeunes sous traitée aux institutions financières privées.

La mise en œuvre de ces mesures non exhaustives drainera la création de nouveaux emplois et de nouveaux secteurs économiques, une meilleure efficacité dans la gestion de la politique d’accompagnement de la jeune entreprise, un relèvement du taux de bancarisation, une complémentarité dans le choix des projets financés, un échec moins récurrent des politiques publiques nobles mais mal préparées.

Ni les forums de réflexions à rallonge et onéreux, ni les réformes mal pensées et en trompe l’œil, et encore moins la publication de listes de débiteurs dans les colonnes de la presse écrite livrant presque en pâture à la vindicte et au jugement populaires, des jeunes débiteurs indélicats ou insolvables (la cause réelle de leur statut de débiteurs restant à élucider), n’ont créé des emplois.

La volonté et les actions politiques à cet effet restent encore à préciser, car tardant à convaincre.

Paris, le 22 septembre 2011

Nourou-Dine SAKA SALEY
Consultant juridique et financier.

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