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Décisions de la Cour Constitutionnelle sur les lois électorales: censures méritées ou préméditées….

La cour semble décidée à condamner à mort toutes les initiatives législatives de la majorité opposée au gouvernement…..

Il convient d’entrée de préciser, que depuis le changement de majorité durable au sein du Parlement, toutes les initiatives législatives ou procédurales prises par la nouvelle majorité, et défavorables à l’action ou des composantes physiques du gouvernement, ont systématiquement été rejetées par la Cour Constitutionnelle.
Ce peut-être le pur fruit du hasard ou de la stricte application du « droit des membres de la Cour », mais il importe de le souligner tout de même.

Il est devenu automatique et systématique, que les prédictions des députés de la minorité, soutenant l’action gouvernementale, quant à la censure des initiatives de la majorité parlementaire, soient « respectées » par la Cour.

En 2008 déjà, dès les premières décisions, j’avais, par écrits successifs, élevé des questions sur la crédibilité de notre juge constitutionnel en charge, rappelons le, du contentieux électoral des deux élections majeures (présidentielle et législatives).
La Cour n’a pas jusque là failli aux prédictions des députés de la minorité parlementaire.

Il est « insecure » pour emprunter à l’anglicisme, que des décisions « suprêmes », sans recours, soient frappées d’une aussi grande prévisibilité.


1. Concernant les règles particulières relatives à l’élection présidentielle (Dcc 10-120 du 16 octobre 2010)

Bien qu’ayant du mal à déceler ou comprendre le motif de censure au fond, je me serais personnellement consolé d’une justification tiré du général et « bâtard » article 35 de la Constitution, qui permet à la Cour de juger que le comportement des élus parlementaires ne respecte pas les principes de « conscience, compétence, probité dévouement et loyauté dans l'intérêt et le respect du bien commun».


Sans motif particulier clairement énoncé par la Cour, nous avons tendance à considérer que la censure de la Cour a porté sur l’argument du requérant selon lequel la caution de 100 millions « autorise seulement quelques béninois fortunés, et prisonniers des puissances de l’argent, à concourir à ladite élection».

Le débat, tout comme l’argument, est profondément hypocrite au plan générique et dans la réalité béninoise.

Au plan générique, toute personne pouvant investir des fonds dans une campagne électorale supposée nationale, avec de sérieuses chances de mobiliser autour de son projet, ne devrait pas s’inquiéter d’une caution qui ne représentera en fait qu’une portion desdits frais, et qui lui sera restituée selon qu’il atteint les seuils fixés par la loi.
Il ne s’agit donc pas d’une confiscation de fonds à moins qu’il faille apporter la définition du terme « caution » à nos éminences.

Au plan des réalités béninoises, le débat est encore plus louvoyant quand on (y compris certains membres de la Cour, anciens candidats à l’élection présidentielle) prend en considération les atmosphères électorales et le flot financier déversé à ces occasions.

Je nous invite à une lecture profane de l’article 12 querellé.

Il n’est question nulle part du mode de mobilisation ou de collecte des fonds.
Prévoir exclusivement, et emporter la censure entre autres, sur le motif de la soumission « aux puissances de l’argent » est une reconnaissance implicite du recours (des requérants) à cette méthode, et par conséquent l’exclusion de la possibilité de la collecte par l’implication des sympathisants et des dons des électeurs acquis à la cause d’un candidat donné.

Ce sont des pratiques observées même dans des pays de la sous région. Un collectif d’amis (300 environ) d’un certain candidat dans le pays des « éléphants » a bien collecté et offert la somme de 500 millions de francs cfa à leur candidat, sans qu’ aucune allusion « maléfique » n’ait été faite de cet effort financier.

Il est loisible au candidat bénéficiaire de s’estimer « pris en otage » par la « puissance financière de ses sympathisants et électeurs, du peuple » qui aura contribué à la mobilisation financière de sa caution.
La Cour considèrera t-elle que le candidat est embrigadé par le peuple si la caution vient exclusivement des efforts des sympathisants et électeurs?

Cette censure est un aveu nauséabond des mauvaises pratiques que nous souhaitons tous éradiquer, et un rejet de la volonté de constitution de grands ensembles politiques profitable à l’éclaircissement de notre paysage politique.

Jusqu’à nouvel ordre, la Cour aussi « sage » soit elle ne dispose pas encore du don de prévoir la manière dont la caution sera constituée sauf à faire preuve de subjectivité sélective et considérer de facto que l’origine des fonds est celle « des puissances de l’argent».


2. Concernant les règles particulières relatives à l’élection des parlementaires

Coïncidant par « miracle » au rejet et(parait-il) à la revue unilatérale à la baisse par le Gouvernement (atteinte constitutionnelle au droit des parlementaires) du budget prévisionnel de l’institution (dont l’accroissement avait été justifié notamment par l’augmentation du nombre de députés), il est à se demander si le gouvernement n’était pas dans le secret des « Dieux » (de la Cour), pour prendre la décision anticonstitutionnelle de coupure budgétaire.

Toutes les lois adoptées par le parlement, même celles les plus anodines entrainent inéluctablement des incidences financières sur le budget général de l’Etat. Il était donc superflu d’exiger aux députés ce qui était implicitement prévu, et de l’utiliser comme moyen de censure.

La loi portant institution du médiateur, ne serait ce que par les avantages et traitements accordés au seul médiateur, impliquait des incidences financières qui n’avaient pas été expressément prévues par le projet de loi, mais aucune censure n’a été prononcée.

Les lois ratifiant les accords de prêt entrainent par excellence des augmentations de charges pour l’Etat, mais aucune de ces lois ne prévoient expressément des moyens de palier à ces élevations. Aucune censure n’a donc été prononcée à ces occasions.

Par ailleurs, la Cour s’est illustrée en érigeant des principes de « majorité minorité », de « consensus » pour assainir un peu la prise de décision au sein de l’assemblée, et on comprend mal qu’elle s’abstienne de faire le même effort de création jurisprudentielle, pour introduire et constitutionnaliser des avancées législatives contenues dans les lois électorales.

En somme, pour dire que toutes les lois votées à l’assemblée induisent implicitement des augmentations de charges et que prétexter de ce moyen pour censurer une loi, qui a été au final censurée malgré la remise en conformité par les parlementaires, cache mal une volonté préméditée à cette fin.

En conclusion, il est à craindre une tendance à la confiscation continue du pouvoir de légiférer des parlementaires, par les décisions de la Cour, ne seraient ce que pour les lois et initiatives qui ne sont pas du gout de la minorité parlementaire.

D’une part, ce bras de fer laisse penser à une vendetta contre le parlement dont les portes ont été fermées à certains membres de la Cour, candidats malheureux aux dernières législatives sur les listes de la désormais minorité présidentielle.

Les parlementaires et les avancées législatives objectives ne devraient pas faire les frais d’un ressentiment ou d’une nostalgie parlementaire, freinée par le peuple qui n’a pas donné le sésame à certains, leur fermant la revendication de la légitimité électorale….Beaucoup d’appelés mais très peu d’élus, tel est le jeu électoral.

D’autre part, il importe de réfléchir à cette inégalité constitutionnelle de recours contre les lois régulièrement adoptées émanant d’une majorité d’élus, et les ordonnances « présidentielles » émanant d’une personne élue….


Nourou-Dine SAKA SALEY
Juriste

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