Pages vues le mois dernier

Toute administration publique est, par principe, obligatoirement politisée.


Dans les dernières recommandations du Ministre Koukpaki sur les raisons possibles de la contre performance économique de notre pays, il a été soulevé le problème de la politisation de notre administration publique.
A mon sens la politisation d’une administration est inévitable, si on considère la problématique sous l’angle idéologique. En effet, la quasi-totalité des acteurs de toutes les administrations du monde s’identifient à une « pensée » politique donnée.

Comme aux Etats Unis (avec les Démocrates et les Républicains), au Canada (avec les Conservateurs et les Libéraux), en France et en Grande Bretagne (avec la bipolarisation Gauche – Droite), au Ghana (avec le « National Democratic Congress » et le « New Patriotic Party » principalement), la politisation de l’administration n’est donc pas un mal en elle - même.

Dans le cas (presque atypique) de notre administration béninoise, la politisation ne devrait pas surprendre ou inquiéter, quand on part du principe qu’avec plus de cent partis politiques régulièrement enregistrés pour une population de neuf millions d’âmes environ, le Bénin apparaît comme le pays le plus politisé au monde.

Ce qui devrait inquiéter, et je pense (et souhaite) que cela est le sens de la sonnette d’alarme tirée par le ministre Koukpaki, c’est le syndrome de la politisation à sens unique, ou d’épuration politique de l’administration publique béninoise.

En effet, avec son statut de principal pourvoyeur d’emplois dans l’économie béninoise, une politisation à sens unique entrainerait obligatoirement des sentiments d’exclusion et de favoritisme, qui justifient d’une part sur le plan idéologique, l’instabilité et la transhumance politiques, et d’autre part au sein de l’administration elle-même l’épuration politique sus citée gage de la mauvaise performance du service public.

En poussant plus loin la réflexion sur l’administration béninoise, au-delà de sa politisation, il est aussi à craindre son ethnicisation. La vie politique fortement impactée par le vote majoritairement ethnique, tend à s’enraciner au sein de notre administration.

L’administration béninoise doit donc craindre la double menace d’une politique "d’épuration politique" et de promotion par ethnicisation. Le principe de la continuité de l’administration, dont le socle est le fonctionnaire, se verra fortement condamné à un éternel recommencement, si des mesures adéquates et durables ne sont pas prises pour réduire l’influence première de l’appartenance politique ou ethnique, dans l’accession ou la promotion au sein de la fonction publique béninoise.


Autant il est indécent de s’interroger sur l’appartenance ethnique et politique d’un cadre, autant des situations comme celles de ce ministre-délégué de la République béninoise depuis Octobre 2008, dont le Cv diffusé sur le Net, marque (de manière spontanée ou commandée ?) ses appartenances ethnique et religieuse, et son militantisme politique, doivent être découragées.

Puisque la photographie politique du Bénin, rend réaliste quant à la politisation obligatoire de son administration, qui n’est pas en soi néfaste, la batterie de remèdes, pour ne serait ce que réduire la subjectivité de la mission de service public à elle assignée, doit prendre en compte des mesures personnelles quant à ses principaux acteurs (les fonctionnaires), et une mesure que j’appellerais plus générale liée au quasi monopole de l’administration en tant que pourvoyeur d’emplois.

Concernant les fonctionnaires, il serait juste et rémunérateur que leur accession et leur évolution au sein de la fonction publique, ne soit pas l’apanage exclusif de l’humeur d’un décideur politique et de raisons subjectives. Nous avons l’habitude que les concours d’entrée à la fonction publique soient soupçonnés de favoritisme et de partialité et parfois même de choix pré effectués.

Dans un pas où l’Etat est le principal pourvoyeur d’emplois, une attention plus sérieuse doit être portée au recrutement des futurs fonctionnaires, tant par le développement des méthodes (sérieuses) anonymes de recrutement, que le recours à des acteurs extérieurs et contrôlés à postériori pour organiser les dits concours.
Un système obligatoire de quotas (tant de recrutement que d’affectation) par départements devra être respecté pour veiller à un équilibre départemental.
L’accession des candidats aux résultats individuels, et les recours subséquents, devront également être instaurés ou renforcés dans leur application.

Pour l’évolution des fonctionnaires, en empruntant des mesures appliquées à la GPEC (Gestion Prévisionnelle d’Emplois et Compétences), un cadre juridique devra être négocié avec les partenaires sociaux pour assurer aux fonctionnaires une juste évolution.

A cet effet, on pourra prévoir qu’un cadre, en dehors de toute mesure disciplinaire, ne puisse être l’objet d’une politique de « mise au placard » ou de mutation injustifiée au regard des besoins de l’administration, et ceci par le développement des « Recours pour excès de pouvoir » contre la hiérarchie, et la création, le renforcement des pouvoirs d’un véritable ordre juridictionnel administratif.

Une meilleure et juste protection du fonctionnaire dans l’accomplissement de sa mission de service public, ne pourra que renforcer (souhaitons le) son sentiment et son devoir d’impartialité, et réduire celui de redevance à un supérieur hiérarchique.

La mesure charnière à mon sens serait l’émergence d’un véritable secteur privé, véritable créateur de richesses et de valeur ajoutée économiques.
Le monopole de l’Etat en matière de création d’emploi est illusoire et ne peut perdurer, quand on est conscient que l’Etat ne peut y répondre à lui seul de manière efficiente et optimale.

A ce niveau tant les pouvoirs publics, que l’initiative privée sont interpellés.

Les pouvoirs publics ont le devoir de favoriser le développement de l’initiative et du secteur privés par des règlementations propices à un entreprenariat réussi.
Les efforts entrepris pour nous doter d’un Code des investissements doivent être poursuivis dans le sens d’une meilleure adaptation de cet instrument tant à la Petite et Moyenne, qu’à la Micro Entreprise pour graduellement intégrer le secteur informel qu’elle concerne particulièrement.

L’effort doit être poursuivi au niveau des filières d’enseignement universitaire public de manière à innover et introduire des formations du secteur tertiaire plus propices à l’auto entreprenariat, au-delà des formations généralistes qui destinent en majorité à une carrière au sein de l’administration publique.

La résultante de ces mesures non exhaustives devra être un intérêt plus grand des futurs diplômés au secteur privé et de l’auto entreprenariat.
Le réflexe premier de tout jeune diplômé (ou même professionnel confirmé) devra être, non pas de se projeter uniquement dans une fonction publique, mais de privilégier une insertion dans le privé, seul secteur capable de mener une impulsion de développement de l’économie.

En conclusion, le rapport Koukpaki sur son aspect politisation de l’administration, ne devrait surprendre aucun observateur de la vie administrative et politique béninoise, mais aura le mérite d’attirer nos attentions respectives sur les risques d’une politisation à sens unique de l’administration, de la crainte d’une épuration politique, et nous interpeler sur la nécessité de développer un secteur privé performant, de nature à offrir un cadre d’évolution comparable, sinon meilleur, à celui de la fonction publique de manière à réduire l’influence de cette dernière dans la vie sociale et politique des populations.



Nourou-Dine SAKA SALEY
Juriste financier.

Aucun commentaire: